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Que ça m’enchante ou non, je suis une personne qui se plaît dans la complexité. Petit déjà, je ne m’intéressais qu’aux choses qui dépassaient largement le degré de compréhension normal d’un enfant : l’espace, la génétique, l’histoire…

Tout ce qui était composé de forces multiples et parfois contraires, de liens tissés les uns par-dessus les autres ou de concepts que l’humain avait du mal à se représenter, prisonnier de sa condition— toutes ces choses me passionnaient. Je ne trouvais aucun intérêt à la simplicité, et mon monde n’était qu’un enchevêtrement de brouillons tous plus compliqués les uns que les autres.

Vous parlez d’un gamin ! Aujourd’hui, fort heureusement, les choses sont moins binaires, bien que j’aie toujours un penchant non dissimulé pour la complexité. Il m’arrive même parfois de désirer soudainement l’effacement de mes tableaux mentaux noircis par la craie les équations, les vers et autres gymnastiques mentales pour leur préférer des formes plus épurées et claires qui laisseront à ma tête le temps de respirer.

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Avais-je vraiment besoin d’introduire ce billet avec une telle digression ? Probablement pas. Néanmoins, c’est bien cette étrange force qui m’a poussé à me lancer dans la première épopée des Guerriers de la Lumière pour m’éloigner de la quatorzième que je saignais depuis plusieurs mois. Il m’est rare de tenter des expériences — vidéoludiques, notamment — dont je connais plus ou moins le contenu et la finalité. Dans le cas de Final Fantasy (1987), ma culture me permettait déjà de savoir que j’allais avoir affaire à la base du genre JRPG (pour Japanese Role Playing Game) avec toute la simplicité — novatrice à l’époque — que cela impliquait. J’avais beau découvrir le jeu sous une forme plus moderne via la réédition sur GameBoy Advance, Final Fantasy I & II: Dawn of Souls (2004), son cœur restait le même, et j’allais à priori bien vite m’ennuyer, moi qui était habitué aux dérivés bien plus complexes et engageants qui étaient nés dans les décennies suivantes. Et pourtant, quelque chose m’attirait, et il me fallait comprendre quoi.

J’y ai joué deux heures, puis trois heures un peu après, et à la fin du week-end, j’affrontais Chaos et sauvait le monde de la boucle temporelle meurtrière dans laquelle il était piégé. J’avais beau avoir profité de la fonction d’accélération de l’émulateur, j’enregistrais près de dix-huit heures de jeu réel en deux jours, cadence à laquelle je n’avais pas carburé depuis un petit moment. Et moi qui pensait m’ennuyer à peine sorti du premier donjon…

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Les — très longs — crédits de fin déroulant devant mes yeux, je me suis trouvé à exprimer une tendresse certaine pour cette épopée réduite à sa forme la plus simple. Gérer mes quatre aventuriers — deux guerriers, un mage blanc et un mage noir — avait été un jeu d’enfant : après tout, hormis leur niveau et leur équipement, leur fonctionnement et leur rôle n’avait pas bougé d’un centimètre, me permettant ainsi d’adopter une stratégie identique du premier affrontement contre Garland jusqu’au dernier. Et si, en temps normal, j’aurais pesté contre un tel manque de profondeur, je l’ai ici trouvé divertissant. Même sentiment pour le scénario, convenu au possible, qui m’a tout de même surpris avec son histoire de voyage dans le temps et qui n’a pas été désagréable à suivre.

Alors, d’où venait cette tendresse ? Pourquoi ma fibre pour la complexité me laissait-elle retirer des choses positives de Final Fantasy I ? À cela, je n’ai pas de grande réponse développée à donner : j’avais probablement besoin de souffler un peu, plongé dans une spirale d’anxiété par mes candidatures scolaires dont j’attendais les réponses, et ma courte aventure pour sauver le monde avait réussi à me changer les idées. Je n’avais plus besoin de penser aux milliers de conséquences que chacune de mes actions — dans la vie comme dans le jeu — pouvait avoir, je n’avais qu’à entraîner mes personnages dans une quête sans autre prétention que celle de me faire passer un bon moment.