Fut un temps où j’étais passionné par le shiny hunting, cette recherche de Pokémons brillants dont les probabilités de rencontres sont extrêmement faibles. Comme à mon habitude, je consommais une quantité phénoménale de contenu autour de cette pratique sans réellement m’y investir moi-même. Et puis j’ai petit à petit perdu tout intérêt pour la chose, ne trouvant plus l’étincelle suffisante pour embraser mon esprit.
Mais récemment — peut-être à cause de la sortie prochaine de Pokémon Épée et Bouclier —, une flamme timide s’est allumée en moi, et j’ai soudainement eu envie de me relancer dans le shiny hunting. Mes cartouches et mes consoles étaient bien rangées dans mon tiroir, et je n’avais qu’à les sortir, prévoir une shasse (nom donné aux recherches de Pokémons brillants) et commencer à compter les rencontres.
Seulement, toute pratique demandant d’investir un très grand nombre d’heures vient avec un certain nombre de considérations sur lesquelles il est nécessaire de bien réfléchir. J’ai ainsi extrait deux axes particulièrement sujets à polémique dans le monde du shiny hunting, et il m’incombe d’écrire à leur propos pour bien cerner ma démarche.
Le shiny hunting pour soi
Il est évident, lorsqu’on regarde ce qui se fait sur YouTube et Twitch, que le shiny hunting est devenu tendance, notamment depuis les jeux Pokémon X et Y qui ont rendu l’apparition des bestioles brillantes moins rares via une modification des probabilités de base (réduites de moitié) et l’introduction de méthodes proposant un taux d’apparition bien plus élevé (pêche à la chaîne, par exemple). On a ainsi vu émerger une nouvelle génération de shiny hunters basée en grande partie, voire uniquement, sur la diffusion de lives et/ou de vidéos de recherches. Il convient alors de s’interroger sur la démarche de ces personnes.

Le shiny hunting, par son côté aléatoire, génère une attente de la part du joueur et des spectateurs : les étoiles apparaîtront peut-être à la rencontre d’après, il faut donc continuer à regarder pour être certain de ne pas rater le moment T. Et si le partage des recherches est aussi vieux que les Pokémons brillants eux-mêmes, il est légitime de se demander si certaines personnes shassent pour leur public ou pour elles-mêmes (ou pour les deux).
Je n’ai aucun jugement à émettre à ce propos, mais il me faut définir ma démarche personnelle. Ne disposant pas d’horaires particulièrement adéquates pour le streaming et de matériel me permettant de partager ce qu’il se passe sur mes consoles, il me semble difficile de shasser pour un public comme le font des centaines de joueuses et joueurs sur Internet. De plus, je ne me retrouve pas dans une logique de « productivité » en termes de shiny hunting. Il est courant de voir de plus en plus de vidéastes privilégier les techniques ayant un grand rendement de Pokémons brillants pour apporter à leur public les moments euphoriques tant attendus (pour comprendre cela, il vous suffit de chercher « shiny reaction » sur YouTube).

Seulement, je vois le shiny hunting comme une démarche essentiellement personnelle, une communion avec les aspects les plus poussés d’une série qui m’est chère, et je ne souhaite pas entrer dans une logique productiviste qui ne m’apporterait que peu de satisfaction. Partant de ce principe, j’estime n’avoir de comptes à rendre à personne, et c’est en cela que la question de l’émulation est essentielle pour moi.
Plaidoirie pour la shasse sur émulateur
Quoi qu’en disent ses détracteurs, l’émulation est une chose merveilleuse permettant à toutes et tous d’accéder à une histoire vidéoludique riche, mais également de choisir un support pour jouer dans les meilleures conditions possibles — ces conditions étant évidemment propres à chacune et chacun —. Quid de la « légalité » de l’émulation et du téléchargement de ROMs ? Il est certain que le piratage de jeux encore sur les circuits commerciaux nuit à leur développeur, et je ne chercherai pas à contredire cela. Seulement, si on se concentre sur le marché du rétro-gaming, à qui profite réellement la revente d’une cartouche de Pokémon Saphir à presque 25€ ? Est-ce dans la poche de Game Freak et Nintendo qu’atterrira votre argent ? Où est-ce dans celle de revendeurs parfois peu scrupuleux ? À partir de là, si le jeu n’est pas disponible via un circuit légal (Virtual Console, par exemple), quelle barrière morale reste-t-il à franchir pour télécharger une ROM et y jouer sur le support de son choix ?
Aucune.

Le problème moral étant écarté, parlons de celui de la triche et plus généralement de tous les outils externes rendant l’expérience de jeu différente de celle préparée par les développeurs. Lorsque les périphériques de capture pour console Nintendo DS n’existaient pas, la plupart des shasseurs se livraient à une petite pirouette pour bien montrer qu’il n’y avait aucune Action Replay insérée dans leur console et ainsi « prouver » que leur Pokémon était bien « legit ». Aujourd’hui, cela ne se fait plus, mais les recherches réalisées quasi-systématiques en live servent de « garantie ».
J’emploie de nombreuses guillemets car cette considération pour la triche m’a toujours semblé désuète. En effet, si le shiny hunting est une démarche personnelle visant à se satisfaire soi-même avant toute chose, pourquoi vouloir absolument montrer patte blanche ? Vous êtes la seule personne que vous trompez en trichant.

Finalement, si l’on s’affranchit des contraintes de support et de potentielles triche, la shasse sur émulateur devient tout aussi « légitime » que les autres : pourquoi priverait-on quelqu’un de rechercher un Gobou sur Pokémon Rubis sous prétexte qu’il ne possède pas une GameBoy Advance et une cartouche du jeu ? A-t-on le droit d’empêcher cette personne d’engager une démarche comme celle du shiny hunting et de juger si oui ou non elle est légitime ?
Aucunement.
Pour conclure : libérez vos esprits
La shasse est avant tout un plaisir personnel, celui que vous ressentirez lorsque vous verrez apparaître les étoiles après de longues heures de recherche. Oubliez les contraintes pompeuses posées par certaines personnes et faites ce qu’il vous plaît.
Partagez votre point de vue sur la question, argumentez en faveur de l’aspect intime du shiny hunting, et montrez au monde entier les Pokémons dont vous êtes si fiers, peu importe la façon dont vous les avez acquis.


